Un imitation de ce que pourrait dire Raymond Devos sur le sujet ambigu de la veille

Article paru dans La veille sur la veille

« Faire de la veille ? » Mais ça ne veut absolument rien dire nous dirait le truculent Raymond Devos 1 . Et de poursuivre: faire de la veille une fondation pour demain, là oui, à la rigueur, mais n’est-ce pas déjà trop tard selon l'adage : il ne faut jamais reporter à aujourd’hui ce qu’on aurait pu faire la veille ?

Vous savez, il ne faut pas avoir fait l’ENA pour saisir que le futur de la veille, ça commence aujourd’hui. Pour preuve, si la veille n’avait pas eu d’avenir, aujourd’hui n’existerait pas. Et nous ne serions pas là pour en parler, de la veille.

Faire de la veille son quotidien, comme nous préconisent doctement les meilleurs conseillers, cela signifie-t-il revivre tout les jours la même journée? Comme dans ces dystopies effrayantes où le héros, si on peut appeler ce rôle peu enviable « héros », meurt et renait tout le jours dans des conditions sordides?

Etre prisonnier dans une boucle temporelle, régie par une marmotte ? Très peu pour moi, je préfère me passer de la veille, c’est moins douloureux.

Mais alors, se passer de veille, qui peut faire ça ? Un nouveau né qui tel le gaulois ne connaissant pas la peur, lui ne connait pas la veille? Un malade atteint Alzheimer pour qui l'évocation de la veille fait naître dans les yeux une perplexité douloureuse? Docteur Strange, en maître de la porte temporelle? Mystère…

On nous dit que le veille doit en premier lieu avoir un objectif. Ah bon !? L’objectif de la veille, n’est-il pas de vivre un lendemain meilleur ? Je veux dire par là que si tant est qu’on soit structuré, cadré, ou angoissé au point de se fixer un objectif tout les jours, la plupart des philosophes fréquentables, et même Thomas Jefferson dans la déclaration d’indépendance des Etats-Unis d’Amérique, vous préconiseront que le seul objectif dans la vie, et a fortiori celui de le veille, est d’être heureux.

L’autre jour, un homme fort affable me demandait : comment gérer-vous votre veille ? Gérer sa veille, c’est à mon humble avis, et sans vouloir les offenser, affaire de rêveurs. Vous savez, ceux qui réécrivent le passé, pour rendre probablement leur conscience moins bancale. Les psy n’aiment pas trop qu’on leur vole la névrose du divan, et réorientent d'ailleurs le sujet vers celui de la gestion du quotidien, au jour le jour, le fameux carpe diem, et tout le toutim. « Oubliez la veille ! », ça ne vous apportera rien de bon.

Tirer des leçons de sa veille est là aussi une de ses drôles de règles, de ce fameux soit disant et débattu ci-avant « cycle de la veille ». Encore des mots savants pour nous simplement dire que le sage apprend de ses erreurs ? Pffff. Même l’enfant qui se coince les doigts dans la porte tire des leçons de sa mésaventure. Et il le fait plutôt tout de suite. Ne procrastinons pas, non. Tel l’enfant qui se coince les doigts dans la porte, n’attendons pas le lendemain pour tirer des leçons de la veille.

La veille, c’est tout une époque.


  1. Raymond Devos n'a jamais écrit ce sketch, ceci est un libre exercice de style de ma part. 

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